L’aube prit peu à peu place aux étoiles. Une faible lueur chaude illuminait désormais les restes d’un village ravagé par un ennemi sans nom, le pire des adversaires. Il revêtait un visage nouveau à chaque nouveau combat. Le Chaos est effrayant pour tous. Il corrompt tout ce qu’il touche, dévore et engloutit les braves qui succombent au combat et plie les faibles à sa terreur.
Je restais silencieux face à ce macabre décor qui s’offrait à mes yeux. J’analysais chaque piste éventuelle qui indiquerait la trace des « enfants de la destruction », lorsque mes pensés furent interrompues.
- Bah ! En même temps faut pas être fute fute pour v’loir se défendre avec des sacs de blé. Z’ont même pas une fourche pour chatouiller l’ennemi !
- C’est un relais marchand Gulnin, ceux ne sont que des hommes qui permettent la transmission du grain du grain vers le front. Rétorquai-je à mon compagnon qui cherchait désespérément de la ferraille pour fabriquer de nouvelles inventions plus farfelues que la précédente… même si cela pouvait paraitre impossible.
- Au moins z’ont des écrous, des vices, des clous et du fer ! J’aurais pas remué mes p’tites guiboles pour rien dans ce trou perdu ! Disait-il en s’empressant de remplir sa besace avec un grand sourire d’avidité.
- Hep mon gaillard ! Y a ton chat qu’a pas l’air d’partager ma joie !
- Pour bricoler vous êtes doué Gulnin, mais comme observateur vous laissez à désirer. Lui dis-je dans un chuchotement. L’ennemi est encore là, il nous encercle, tenez vous prêt.
Mais face à l’apparente sérénité que je montrais à mon ami de petite taille, Gulnin lui exultait à la vue de pouvoir enfin tester ses nouveaux prototypes.
- AH ! Sont enfin v’nus montrer leurs sales trognes les hideux ! J’vais enfin pouvoir tester mon arme secrète !
- Gulnin, couvrez moi, je les maintiendrai à distance pendant que vous essaierez, avec tout votre talent, à ne pas me confondre avec un Gobelin… comme la dernière fois.
- Bein quoi ! Z’ont aussi des oreilles pointues ! C’est pas facile dans l’feu de l’action de s’y reconnaître !
Les silhouettes de nos ennemis commencèrent à se détacher de la brume qui recouvrait la place du village où nous étions. Leurs mouvements perturbaient le silence de mort qui y régnait, mais aucun ne parlait ou n’émettait un son. C’étaient des assassins, des tueurs nés, qui savaient se dissimuler et acculer leur proie sur un terrain qui lui est défavorable pour mieux lui ôter la vie. L’idée d’affronter des peaux vertes était alors exclue. Leur « art » rudimentaire du combat ne pouvait pas s’exprimer de la sorte. Selon eux : « Pourkoi s’kacher alors kon peu s’marrer à tranché des zommes ! ». Non l’ennemi, que nous avions en face de nous savait se fondre dans le décor. Les disciples de Khaine semblaient être notre adversaire présent. Leur gout pour l’assassinat et la sournoiserie était palpable dans ce long silence qui nous entourait.
Azuriel n’émit aucun son, mais les muscles saillants du félin indiquaient qu’il était prêt à bondir à la gorge de quiconque s’approcherait. Gulnin avait monté dans l’excitation une sorte de tourelle mécanisée qui comportait de nombreux canons. Il la commandait, m’avait il dit, avec un appareil qui transmettait le son de sa voix, et qui répondait au nom saugrenu de « Thaki Wookie », en l’honneur de sa grande tante barbue.
- Gulnin vous êtes prêt ?
- Gnnnii… gnnnNII ! GNNNIIIII !
- Gulnin ?
- GNNNNIIII !!!!
Le peu de cohérence de mon chef de bataillon semblait s’être volatilisé, laissant place à un nain dont l’écume commençait à recouvrir sa barbe rousse.
« Bon, j’espère que mon ami va garder un semblant de lucidité cette fois, je n’ai plus d’herbes médicinales pour me soigner à nouveau d’une « éventuelle » balle perdue. » pensai-je en empoignant ma hache.
BAH !!!!!
Une détonation sèche retentit dans mon dos. Je me retournai et vis alors le corps d’une furie elfe noire étalée sur le sol, le crâne en miettes à quelques pas derrière moi.
- Merci maître nain ! Adressai-je à Gulnin.
Mais celui-ci ne répondit pas. Désormais, en plus de l’écume qui coulait abondamment sur sa barbe tressée, ses yeux s’exorbitaient à la vue de la première victime et une transe s’emparait alors complètement de lui.
Une ombre s’approcha sur ma gauche et Azuriel bondit sur en un éclair, la déchiquetant de ses crocs acérés. Dans un rugissement je brandis ma hache de bucheron elfique et me ruai des ennemis qui se faisait cribler de balles naines « Medhin Gulnin », selon l’appellation exacte de leur créateur. Le combat s’intensifiait d’instants en instants et les corps des frères des ténèbres s’écroulaient à nos pieds. Quand d’un coup des carreaux d’arbalètes vinrent se planter à mes pieds.
- GULININ ! Tireurs embusqués dans le bâtiment à l’Ouest ! Hurlai-je.
Mais à cet instant précis, j’avoue avoir perdu toute compréhension de mon frère d’arme et supérieur, du moins hiérarchique. Si je lui avais indiqué cette cible, c’était pour qu’il les élimine aisément de loin avec son fusil. Mais au lieu de cela, je vis ce fou agiter frénétiquement ses courtes jambes pour charger la bâtisse ennemie, quand d’un coup il sortit une espèce de cylindre mécanique clignotant qu’il lança avec une adresse prodigieuse dans une fenêtre des tireurs. A la vue de sa réussite le nain bondit dans tous les sens et beugla quelques injures naines sans se soucier des tirs ennemis qui le frôlaient dangereusement. Soudain une explosion d’une force gigantesque le projeta dix pieds derrière moi. LA déflagration avait soufflé au total deux maisons dont celle de nos assaillants.
- YIIIPEEEEEEHHH ! Hurla Gulnin les yeux pleins d’étincelles et de larmes de joie. AH qu’j’ai eu raison de m’procurer des flatulences de géants ! JE suis un génie !!!!!!!!!!! T’as vu mon gaillard ?! Je l’ai fait !!!!!!!
Les combats cessèrent une minute lorsque trois ennemis s’avancèrent devant nous. J’étais dos à eux, penché sur d’éventuelles blessures de Gulnin.
- Dalariel, z’ont des slips en fourrures blanches ceux là !
- De qui parlez vo…
Ces elfes noirs revêtaient une armure sombre ornementée d’une magnifique fourrure blanche qui ne m’était pas inconnue. Azuriel rugit à cette vue et les chargea avec férocité. J’avais alors compris. Ces fourrures provenaient de mes frères lions blancs, de ceux qui m’ont élevaient, de ceux qui m’ont accepté et éduqué, de ceux qui m’ont aimé. A cette vue la haine s’empara de moi et dans un sombre hurlement de rage je m’élançai avec Azuriel vers ces adorateurs des ténèbres, laissant derrière moi ma hache et mon casque.
- Par Bugman ! V’là même qu’il lâche sa hache pour mieux les baffer avec ses p’tites mains toutes précieuses d’Elfe ! L’est au moins aussi fêlé qu’moi c’gaillard ! Si jamais j’ramène ma trogne pour l’aider il pourrait m’bouffer ! J’vais attendre qu’il ait fini d’faire ses griffes sur ces p’tits gars.
- Hey mon gaillard ?! Hohééééé ! Bidiou, réponds !
- Hein ?! Qu’y-a-t-il Gulnin ?
- T’as f’ni de les massacrer là ? Allez, on y va là. Commence à se faire nuit et j’ai pas envie de m’les peler là. Je préfère aller boire une chope à la taverne du camp !
Je regardais alors les restes d’Elfes noirs qui étaient rependus devant moi. Leurs corps à moitiés griffés et déchirés par des crocs. Azuriel avait fait ça ?
- Allez Dalariel on y va ! Et nettoie un peu, t’as encore un peu d’ viande au coin d’la bouche !
- De quoi ?! Vous plaisantez ?!
- Heuuu…. Et bien… Faut avouer que t’étais en train de… Enfin voilà quoi ! Bon… Allez viens avec ton gros chat. On rentre ! Mais s’il te plaît si tu n’enlèves pas ton boue de viande au coin d’ la bouche, au moins de me regarde pas, s’non je sens qu’vais rendre ma bière sur l’sol ! Et ça m’ferait mal !
Sam 11 Oct - 17:22